La végétalisation des espaces publics face aux changements climatiques 

Quelles pistes d’actions envisager ?

 

Malheureusement, il n’existe pas de solutions universelles ni de liste de « Super Plantes » capables de faire face à toutes les conséquences du changement climatique. Les enjeux et défis auxquels nous sommes confrontés sont complexes et pluridisciplinaires. Ce que l’on peut affirmer, c’est que la meilleure approche d’adaptation consiste à mettre en œuvre un ensemble d’actions regroupées sous une stratégie globale. De cette manière, nous pourrons nous préparer au mieux à ce qui semble nous attendre demain.  

 

Selon les prévisions scientifiques, les hausses des températures sont inévitables. De manière indéniable, ce processus est déjà en cours, comme le montre la hausse de la température moyenne mondiale en 2022 qui était supérieure d'environ 1,15°C par rapport aux moyennes observées depuis plus d'un siècle (valeur préindustrielle). Divers scénarii ont été établis d’ici 2100 en tenant compte, notamment, des actions que nous mettrons en place ou non, pour réduire nos impacts carbones. Ces informations sont basées sur les chiffres fournis par le GIEC et climat.be : https://climat.be/changements-climatiques/changements-observes/rechauffement-planetaire.

On observe une augmentation de la fréquence et de l’intensité des évènements climatiques extrêmes : épisodes caniculaires, les périodes de sécheresse, les précipitations abondantes et les vents violents. Ces conditions ont des conséquences néfastes sur les plantes telles que la pénurie d’eau (stress hydrique), l’excès d’eau (asphyxie racinaire), l’augmentation du rayonnement (coup de soleil), les canicules (stress thermique), ainsi que les dommages causés par le vent et la grêle (blessures, chutes de branches, etc) 
Les végétaux se retrouvent plus vulnérables aux attaques de ravageurs et maladies. Il peut y avoir une désynchronisation des réponses entre individus. Par exemple, certains insectes peuvent voir leur cycle de développement accéléré ou multiplié, tandis que d’autres décaleront leur cycle à une période qui ne correspondra pas forcément à la disponibilité des ressources florales nécessaires. 
En conséquence, il devient difficile de prévoir comment l’ensemble d’un écosystème s’adaptera aux changements climatiques, car les interactions complexes entre les plantes, les ravageurs, les maladies et autres éléments de l’écosystème rendent les prévisions incertaines.  

 

La végétalisation urbaine : un défi à relever

La végétalisation urbaine fait partie des solutions pour rendre les villes plus résilientes face aux changements climatiques mais elle représente également un défi à relever dans les choix stratégiques. En effet, il est important de prendre en compte que les végétaux sont également affectés par ces perturbations climatiques et qu’ils doivent s’y adapter.  

 

Et c’est bien là toute la difficulté : végétaliser un maximum les villes est devenu primordial ! Mais comment le faire efficacement ? Les végétaux présents aujourd’hui dans nos régions seront-ils capables de subsister ? La question se pose tout particulièrement pour les arbres amenés à vivre plusieurs décennies. 

Natureparif
Natureparif

Quelques pistes de réflexion

Nous allons ici tenter de vous donner quelques observations et outils qui nous paraissent importants à prendre en compte dans cette réflexion globale :    
1. Préservez et soignez l’existant 
La pérennité des arbres, arbustes et autres massifs en ville constitue un enjeu majeur en matière de stratégie d’atténuation et d’adaptation aux effets néfastes des dérèglements du climat. Il ne faut donc surtout pas sacrifier l’existant au profit de plus de surfaces bitumées,  destinées à des places de parkings, par exemple.  
En effet, si l’on souhaite pouvoir profiter pleinement des services rendus par un arbre, celui-ci doit notamment être mature, c’est-à-dire être âgé de 20 à 50 ans suivant les essences. Évitez donc d'abattre un arbre en pensant pouvoir compenser cette perte par une nouvelle plantation. 
2. La diversité des espèces végétales et la diversité génétique comme clés d’adaptation 
 
La diversité permet notamment de se prémunir de pertes massives, non seulement en termes de résistance aux changements, mais également contre l’arrivée de nouveaux ravageurs. Cela permet aussi de réduire les risques d’allergies.  
Un autre avantage, non négligeable, est la sélection variée. Celle-ci permet de couvrir une période de floraison étalée sur l’année, afin de multiplier les sources de nourriture et réduire ainsi le risque des discordances temporelles entre la disponibilité des ressources et les périodes d’activités de la petite faune. 
La ville de Lyon, par exemple, a établi une règle de diversification du patrimoine arboré (et ce, quelle que soit l’ampleur du projet). Selon cette règle, le patrimoine arboré ne doit pas dépasser : 
  • Plus de 10% de la même espèce
  • Plus de 15% du même genre
  • Plus de 10% de la même famille 

 

©Lyon Part-Dieu
©Lyon Part-Dieu

Sachez qu’une espèce située dans son aire naturelle présente une meilleure résistance aux conditions climatiques locales mais aussi au sol, à la faune, etc. Elle est également plus intéressante pour nos pollinisateurs, notamment pour les abeilles spécialisées. Cependant, il n’est tout de même pas à écarter qu’une mixité entre espèces autochtones et allochtones, ayant des caractéristiques adaptées au lieu d’implantation et présentant une résistance ou des qualités intéressantes, représente une piste de réflexion. Et ce, afin de faire face à l’aire de répartition végétale qui migrerait vers le nord d’après certaines prévisions scientifiques (source : « Quel arbres planter demain ? -Nicolas Thelbaut). Mais la vigilance est de mise et il est important de toujours se renseigner auprès de professionnels afin de ne pas implanter d’espèces considérées comme invasives. N’hésitez pas à consulter la liste des espèces exotiques envahissantes de Belgique sur le site https://ias.biodiversity.be/species/all. 

 

Enfin, si l’on considère que ce sont les grands arbres qui amènent le plus de fraîcheur en ville (au vu de leur effet d’évapotranspiration plus important), il ne faut pas négliger pour autant les autres strates végétatives. Un groupe d’arbres couplés à des plantes compagnes se montrera plus résilient qu’un sujet isolé.  Intégrer dans la réflexion d’un nouvel aménagement, un ensemble de plantations au pied de ceux-ci ou encore la création de massifs sur différents niveaux peut renforcer les services écosystémiques rendus.  

©Stichting-Steenbreek
©Stichting-Steenbreek

Outre la diversité variétale, il faut rechercher tant que possible la diversité « génétique » qui selon différentes études (source : S’adapter aux changements climatiques, Mener la transition avec la nature en ville, Edité par plante et Cité) est gage d’une plus grande résilience car les sujets pourront apporter des réponses différentes aux agressions contrairement aux productions clonales (issu du même pied mère). Mais cela demande d’améliorer la traçabilité de la production en pépinière. Dans ce but, de plus en plus de labels de qualité se développent. A l’instar de « Végétal Local » en France qui a pour objectif de garantir la traçabilité des végétaux et la conservation de leur diversité, un nouveau label est en train de voir le jour en Belgique sous le nom de « Végétal d’ici ». Celui-ci se veut garant de l’origine, la qualité et la production locale des plants. 

 

3. La bonne plante au bon endroit 

 

Encore faut-il planter la bonne essence au bon endroit. Le bien-être des arbres conditionne généralement les services qu’ils peuvent fournir. Il est donc préférable de choisir des espèces adaptées au contexte écologique. Toutes les espèces ne sont pas équivalentes pour faire face à ces difficultés. Elles développent des stratégies d'adaptation différentes. Certaines espèces sont plus résistantes aux sols compacts et secs, à la pollution ou aux blessures de leur écorce par exemple. Ces espèces sont donc mieux adaptées à l’environnement urbain. 

 

Il faut donc impérativement tenir compte des conditions dans lesquelles la plante va être introduite pour favoriser sa pérennité et son épanouissement. Tout en prenant en compte en amont de la sélection le(s)service(s) rendu(s) désiré(s) à cet endroit. Là encore, les producteurs ont un rôle à jouer en termes de conseil.  

 

 

Divers outils existent pour vous aider à y voir plus clair une fois le contexte analysé, on peut notamment citer : 

  • L’outil Sésame développé par le CEREMA lentre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement et l’aménagement) vise à sélectionner les espèces adaptées en fonction des services attendus et de l’évolution du climat et ce, grâce à une base de données caractérisant 400 espèces d'arbres et arbustes.  Cet outil devrait être accessible dans le courant de l’année. 
  • L’outil  Floriscope, lui, permet un tri selon une recherche multi-critères sur différents types de végétaux (arbres, arbustes, vivaces, ...). Une recherche peut par exemple être réalisée sur les végétaux qui tolèrent les sels de déneigement, …. 

 

4. S’assurer de la bonne santé et du bien-être des plants, de leur acquisition à leur gestion. 

 

Voici quelques recommandations à suivre : 

  • Privilégiez des plants qui n’ont pas été forcés, si possible, et ceux qui ont été cultivés en extérieur dans la région d’implantation.
  • Respectez le port naturel et la structure racinaire des plants
  • Assurez-vous que l’activité biologique du sol dans lequel ils sont implantés est correcte.
  • Fournissez un bon parachèvement lors de leur implantation (dans le cas d’une plantation d’arbre, par exemple, on assurera un tuteurage adéquat, on créera une cuvette d’arrosage, on effectuera un suivi d’arrosage durant les 3 premières années, …) 
  • Respectez la période de plantation (la plus conseillée étant l’automne)
  • Envisagez si possible un accès privilégié des racines à l’eau de pluie en diminuant les surfaces imperméabilisées et en redirigeant l’eau vers les sols plutôt que dans les caniveaux.
  • Pratiquez une taille douce des arbres et arbustes. L’arbre est un organisme vivant. La taille est une agression qui le fragilise. C’est pourquoi il est important de penser au développement de l’arbre adulte dès la plantation afin de la réduire au maximum.
  • Privilégiez des jeunes plants. Bien que moins spectaculaires, ils souffriront moins de la transplantation que des plants plus âgés. De plus, ils rattrapent rapidement la taille de plants plus âgés. 

5. Revoir, quand cela est nécessaire, nos modes de plantations

 

Parfois cela s’avère plus efficace de planter moins mais mieux. Au lieu des traditionnelles plantations de rangée monospécifique, il est possible de créer des alignements plurispécifiques en intégrant différentes espèces, avec des distances de plantations irrégulières adaptées à la croissance de chaque essences présentes. Cette approche favorisera une plus grande couverture d’ombre et une diversité des espèces plantées, Ainsi que dans le cas de massif, des densités de plantations adaptées permettront à chaque végétal de s’épanouir de manière optimale. 

 

 


Pour clôturer ces pistes d’actions, voici quelques ressources intéressantes, articles et comparatifs sur le comportement de certains végétaux face aux changements climatiques :  

 

Veuillez noter que cette liste n’est pas exhaustive et qu’il convient de l’interpréter avec prudence, sans condamner certaines espèces : 

 

  • Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement et l’aménagement (CEREMA), en partenariat avec la ville de Metz a élaboré une liste comparative de 85 espèces. Vous trouverez sous ce lien les 8 fiches espèces, ainsi que le rapport d’études et les informations détaillées : https://metz.fr/projets/developpement-durable/sesame.php 

 

 

En Conclusion : pas de recette magique ou de panacée. Il est primordial d’adapter la stratégie de végétalisation globale à chaque lieu d’implantation. Un projet durable et réussi est un projet adapté à son contexte. 


Lexique : 

 

  • Changements climatiques : Ils désignent les modifications de l’état du climat visibles par des changements sur ses propriétés sur le long terme. Cela ne concerne pas uniquement des hausses de température ou des périodes de sécheresse prolongée mais bien d’un dérèglement qui entraîne des évènements climatiques anormaux de plus en plus fréquents et violents (pluies torrentielles, vents violents, vagues de chaleur et gelées tardives). 
  • L’adaptation : c’est un processus d’ajustement aux effets du climat actuel et à venir qui concerne tous les êtres vivants (y compris le monde végétal). 
  • La résilience : c’est la capacité d’un système à faire face à un événement ou une perturbation en répondant ou en se réorganisant de manière à maintenir sa capacité d’adaptation et retrouver ses fonctions et un état d’équilibre dynamique. 
  • Espèces autochtones : qui désigne des espèces végétales vivant dans leur milieu bio-géographique d'origine. 
  • Espèces allochtones : qui désigne des espèces d'origine étrangère au milieu bio-géographique local. Il s'agit souvent d'organismes introduits par l'homme, soit volontairement, dans une perspective économique ou esthétique, soit accidentellement.  
  • Une plante forcée :  est une plante que l'on a contrainte à fleurir (ou plus généralement à se développer) à contre-saison. Pour forcer une plante à fleurir (puisque c'est le cas le plus courant), il faut lui faire croire, après une période de repos, que son époque de floraison naturelle est arrivée, en jouant sur la température et l'intensité lumineuse.

 

Pour aller plus loin : 

 

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